Standard de vie
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Je devais avoir 9 ou 10 ans, je ne m’en souviens plus très bien. Le temps de l’école primaire et des matches de football acharnés dans la cour de récré. Celui aussi des albums Panini et des véritables bourses d’échange qui se tenaient dans les recoins de nos espaces de jeux.
A l’époque, la rivalité Anderlecht/Standard battait son plein et les deux clubs luttaient encore d’égal à égal au niveau des résultats. Mauves contre Rouches, Kenneth Brylle contre Eric Gerets, Simon Tahamata contre Michel De Groote. L’engagement contre la technique. La fougue contre l’académisme. Le football ouvrier contre celui de la capitale. C’est si loin, déjà...
Un jour, il a bien fallu que je choisisse mon camp. Et comme mon copain Eric était rouche dans l’âme, je l’ai suivi. Ce serait le Standard. La furia, la passion et ce maillot rouge frappé de la pub “Maes Pils”. Il était quand même plus beau que cette vareuse blanche floquée d’un drôle de logo surmonté de “Gueuze Belle-Vue”, non ? En plus, le mot “Standard” sonnait bien et n’accrochait pas dans la bouche comme ce nom à consonance flamande. “Anderlecht, c’est où ça ?”
Logo réalisé par NBPK. Merci à lui.
L’équipe du Standard était solide, expérimentée. De belles années s’ouvraient à elles.
Je n’ai que des souvenirs très confus des championnats remportés en 1981-1982 et en 1982-1983. Ne me viennent à l’esprit que quelques résultats marquants contre l’ennemi héréditaire : deux victoires, 1-3 et 1-4 au Parc Astrid ainsi qu’un mémorable 1-7 au Club de Bruges avec un Simon Tahamata déchaîné. Et des noms : Plessers, Poel, Meeuws, Gerets, Preud’homme, Vandersmissen, Wendt, Botteron, De Matos, Oenal...
A l’époque, je n’allais pas encore au stade. Nous habitions à cent kilomètres de Liège. Mon père aimait le football, mais sans plus. Pas au point de supporter une équipe et d’aller l’encourager. Je me souviens d’ailleurs encore des cris d’horreur de mes parents lorsqu’ils découvrirent, peu avant le Mundial 1982 en Espagne, le ... splendide autocollant géant “Allez les Diables Rouges” que j’avais apposé sur le pare-brise arrière de la voiture familiale. Plus facile à coller qu’à décoller...
Mon foot de haut niveau à moi, à l’époque, c’était celui de Roger Laboureur à la télévision. Du Week-end sportif et de Lundi-Sports. Et, parfois, de la radio. La voix de Luc Varenne faisant trembler le transistor.
Magie de la Coupe d’Europe
Si je n’ai gardé que des bribes de nos deux championnats victorieux, je garde par contre intacts les précieux souvenirs de nos campagnes européennes de l’époque. Et cette formidable épopée qui allait mener le Standard en finale de la Coupe des Vainqueurs de Coupe à Barcelone.
Premier feu d’artifice contre Floriana La Valette (1-3 et 9-0), suivie d’une qualification sans problème contre le Vasas Budapest.
Ensuite, au tour de Porto. 2-0 à Sclessin et 2-2 au Portugal, avec un but fabuleux du dénommé Jean-Michel Lecloux. Une frappe de mule qui crucifia le portier local. Je la vois encore.
Au tour du Dinamo Tbilissi. Et cette grande “brinque” de Jos Daerden qui, du front, nous offre deux victoires et la finale européenne que nous attendions tous.
Et enfin, Barcelone. Le Nou Camp. Vingt ans après, je n’ai toujours pas admis que l’on ait dû affronter le Barça sur ses terres. Résonne encore dans ma tête le chant “Tremble Barça, Tahamata est là” entonné par les supporters rouches qui occupaient plusieurs cafés de la ville catalane. Non, je n’étais pas sur place, mais le journal télévisé de laRTBF leur avait consacré un très beau reportage.
J’ai 12 ans. Je suis assis sur une chaise à moins d’un mètre du poste de télévision, comme si je voulais être plus près de l’événement. Et j’implore les dieux du foot pour qu’ils nous bénissent et nois aident à forger l’exploit.
Lorsque Guy Vandersmissen déflore la marque, sous les cris de Roger Laboureur, c’est l’explosion de joie. Le Standard joue bien et vite. Il déstabilise Barcelone. Trop, sans doute. Un homme dont je n’oublierai jamais le nom va entrer dans la danse. Walter Eischweller, arbitre de la République fédérale d’Allemagne. En fin de 1ere mi-temps, il laisse Barcelone jouer un coup-franc alors qu’il n’a pas donné le coup de sifflet nécessaire. Preud’homme se “troue” un peu et Alan Simonsen égalise. Stupeur et incrédulité. Comment est-ce possible ?
La deuxième mi-temps ne fait qu’accentuer le malaise. Quini transforme un coup-franc alors que le mur n’est pas encore formé. Eischweller valide... Rageant. Les visages de nos joueurs traduisent leur incompréhension et la nôtre : “dans quelle pièce jouons-nous ?” Les noms d’oiseau que j’ai envie de proférer à l’égard de cet arbitre se bousculent dans ma tête.
Barcelone va contrôler le reste du match, usant de toutes les ficelles du métier pour gagner du temps. Flash : l’image de Walter Meeuws, exclu en fin de rencontre parce qu’il imite un Barcelonais remontant ses chaussettes pour gagner du temps.
Mon père et moi sommes déçus. Le Standard a affronté un grand club, pas une grande équipe de Barcelone qui aurait probablement été vaincue si le match s’était joué sur terrain neutre et à la régulière. Vingt ans après, ce sentiment est toujours bien présent en moi.
Le gain du titre quelques jours plus tôt, dans les circonstances que l’on connaît, nous offre le droit et le privilège de jouer la Coupe d’Europe des Clubs Champions. La vraie, celle des éliminations directes. Pas la pantalonnade télévisuelle que l’UEFA nous impose actuellement.
Premier match contre un adversaire hongrois à nouveau, le Raba Eto Gyor. Et carton : 5-0. Le retour est chahuté, avec une défaite par 3-0 et des Hongrois déchaînés. Angoisse devant la radio et ce jusqu’au coup de sifflet final.
Arrive le tirage au sort et... bingo. La Juventus de Turin sort de l’urne. La grande Juventus de Turin, celle des champions du monde italiens de 1982, de Paolo Rossi et de ses deux stars étrangères, Boniek et Platini.
C’est l’effervescence chez les Rouches et les Italiens de Belgique. A l’école, à Châtelet, on se chambre gentiment. “Vous ne nous marquerez pas un but!” attaquent les “ritals”. “Tahamata va vous apprendre à danser” rétorquons-nous.
Ce sera dur, nous le savons, mais nous y croyons. Dur vu la qualité de l’opposition, et la suspension d’Eric Gerets pour ces matches. Nos copains italiens nous accusent déjà d’avoir une excuse toute trouvée en cas de défaite...
Le match aller se joue à Sclessin. Je n’ai pas la chance d’y assister. Le stade est plein à ras bords. “Il y avait autant d’Italiens que de Belges” me racontera par la suite un ami qui y était. C’est de nouveau l’oreille collée au transistor que j’écoute ce match. Même à la radio, je sens ce stade trembler sur ses bases. La Vieille Dame prend rapidement l’avance et Tahamata égalise sur pénalty en 2e mi-temps.
A l’école, on nous nargue déjà... Mission impossible au retour ? Oui, la Juve était trop forte. Rossi marque deux fois et enterre nos illusions. Les semaines qui suivirent furent pénibles car chargés des railleries de nos “potes”. Il ne nous restait, effectivement, que la suspension de Gerets pour argumenter un peu. Si Eric ne s’était pas fait stupidement exclure en Hongrie, je suis persuadé que l’apport du Lion aurait rendu la tâche de la Juventus de Turin beaucoup plus difficile. Mais on ne refait pas l’histoire.
Il nous a manqué contre la Juve!
Quant à mes copains italiens, je me marre aujourd’hui rétrospectivement, car quelques années plus tard, ils étaient tous supporters du grand AC Milan... Les trainings Kappa auraient dû être réversibles, noir et blanc d’un côté, rouge et noir de l’autre... ça leur aurait fait des économies.
Sale affaire
Lorsque l’affaire Standard-Waterschei éclate, durant la saison 1983-1984, je n’en comprends pas immédiatement la gravité. Cette histoire me désole. Dans ma naïveté, je croyais la corruption réservée à d’autres championnats que le nôtre.
Le juge Guido Bellemans entame son oeuvre de nettoyage du football belge. On allait voir ce que l’on allait voir. Vingt ans plus tard, tout ce que je constate, c’est qu’un seul club a été “nettoyé” : celui que je supporte.
Des rumeurs ont touché d’autres clubs, dont Anderlecht. Mais le soufflet est vite retombé. Je n’accuse personne, mais il m’étonnerait que seuls le Standard et Waterschei aient magouillé dans l’histoire du football belge. Raymond Goethals a déclaré, peu après l’affaire, qu’il savait où les rivaux du Standard étaient assurés de prendre des points. Mais il a toujours refusé d’en dire plus... Par loyauté pour un de ses vieux amis ?
C’est via la presse que je suis cette saga sportivo-judiciaire dont mes héros sont les anti-héros. Les interrogatoires, les aveux... Nos joueurs qui arrivent dans les locaux de la police comme des truands en puissance, les traits tirés. Eric Gerets, une de mes idôles, que l’on présente comme le cerveau de cette sale affaire. Lui, un truand des stades ? J’ai du mal à y croire. On casse mon jouet, ma passion, mais pas ma ferveur pour mon club. Même pour un gamin qui n’a pas encore eu la chance de mettre les pieds dans son stade fétiche. J’enfile à la moindre occasion mon maillot Maes Pils rouge, avec de fines lignes blanches horizontales, que ma tante liégeoise m’offert dans le magasin de Popeye Piters. A la gym, au foot... Standard un jour, Standard toujours. La furia Rouche vous prend aux tripes et ne vous quitte jamais complètement. Même dans les périodes sombres –et Dieu sait s’il y en aura après l’affaire - la flamme ne s’éteint pas.
Roger Petit s’en va. Décadence d’un homme qui a fait la grandeur du Standard. Aujourd’hui encore, je n’arrive pas à lui en vouloir. Même si, avec le recul, je l’ai trouvé bien naïf de tout consigner ainsi dans un petit carnet. Signe d’une banalisation de ce genre de pratiques et d’un sentiment d’impunité dans les sphères footballistisques de l’époque ? Je n’ai pas la réponse à cette question.
Les joueurs encaissent de lourdes suspensions. Le bateau coule et les rats désertent le navire. Seuls Vandersmissen et Preud’homme restent en place. Je serai éternellement reconnaissant à Guy Vandersmissen qui, après avoir purgé son année de suspension, rendra encore de fieffés services au club.
L’équipe est décapitée. Notre star allemande fraîchement débarquée, Horst Hrubesch, se retrouve entouré de gamins. Je découvre Gilbert Bodart, Guy Hellers, Patrick Aussems, Michel Collard, Pascal Delbroek et d’autres dont j’ai oublié le nom. Malgré le contexte difficile, le Standard atteint malgré tout la finale de la Coupe de Belgique.
Au Heysel, notre équipe B se bat avec courage contre La Gantoise, forçant les prolongations. Réduits à dix après l’exclusion de Michel Collard, un autre barbu, ils s’inclineront finalement par deux buts à zéro.
L’affaire Standard-Waterschei a sonné le glas de la grande équipe du Standard et de l’ère Roger Petit. Ce qu’il s’est passé n’était pas normal et devait être sanctionné. Différentes thèses s’affrontent depuis 20 ans à propos de ce match. Volonté de s’assurer le titre coûte que coûte ? Petite rétribution aux joueurs limbourgeois pour ne pas qu’ils jouent trop durement et qu’ils ne blessent personne avant la finale de Barcelone ? Une bête histoire de femmes entre joueurs comme l’a soutenu Roger Petit ?
Seuls les acteurs de l’affaire connaissent la vérité.
Arie Haan, qui est passé entre les mailles du filet de la justice, devrait en dire plus. Il n’a jamais fourni que des informations incomplètes et finalement peu crédibles. Comment croire que ce n’était qu’un simple prêt d’argent entre joueurs ayant des affinités ? Goethals doit parler aussi. Tout le monde a droit à la vérité. Derrière sa gouaille légendaire, sa popularité folklorique et ses teintures “de zazou” comme ils disent à Marseille, ce vieux grigou cache quelque chose. “Quelle magoulle ?” s’insurgea-t-il un jour, l’air faussement étonné, sur le plateau de télévision de Bernard Pivot...
Que l’affaire ait cassé le Standard de l’époque est un truisme. Qu’elle ait hypothéqué l’avenir immédiat du club est une évidence. Mais je souhaiterais couper les ailes à un canard qui vole depuis trop longtemps. Non, l’affaire n’est pas entièrement responsable des années d’errance du Standard !
Je m’explique. Roger Petit s’est retiré par la force des choses. Sans doute aurait-il continué encore un peu à diriger le club d’une poigne de fer. Mais il n’était pas éternel. Et avec lui à sa tête, le Standard aurait sans doute eu du mal à suivre l’évolution du football belge et international. Petit ne rimait pas avec modernité.
Ses successeurs, André Duchêne et Jean Wauters, ont sauvé le club de l’abîme. Ils l’ont maintenu à flots et l’ont doté d’une infrastructure moderne. Ils ont aussi gagné la “bataille du football liégeois”. Eux ont tenu bon, Marchandise et le Club liégeois pas. Malheureusement, je m’empresse de l’écrire, car ce n’est pas de gaieté de coeur que j’ai vu le club de Rocourt sombrer par l’orgueil d’un seul homme.
Seule ombre à ce tableau: Wauters et Duchêne n’ont pas su s’entourer valablement au niveau sportif. Le drame du Standard et la cause de nos malheurs actuels résident aussi dans cet état de fait. Mais j’y reviendrai.
Premier match à... Charleroi
Ce n’est que lors de la saison 1985-1986 que j’ai l’occasion d’assister à un match de football. L’oncle de mon père, grand supporter de... l’Olympic de Charleroi, m’emmène voir le derby Sporting-Standard.
Le Sporting de Charleroi vient à peine, via le tour final, de remonter en première division après de longues années passées à l’échelon inférieur et son début de championnat est catastrophique.
Les Zèbres viennent de transférer à la hâte un petit meneur de jeu hongrois, Peter Mraz. La gazette locale nous apprend même qu’il n’a pas encore de chaussures de football et qu’un de ses coéquipiers va lui en prêter une pour le match...
Nous pénétrons dans le stade du Mambourg. Le vieux stade du Mambourg. A l’époque, c’est encore un vrai petit chaudron d’où dégouline la passion et la ferveur des fans locaux. Il est 18h30. “Nous devons arriver tôt pour avoir une belle place”, m’avait prévenu mon oncle. Nous nous installons derrière un des buts. Une bonne odeur de hamburger se promène autour de nous.
J’étrenne à cette occasion mon écharpe rouge et blanche.
Le drame du Heysel s’est produit quatre mois plus tôt. Pourtant, je ne m’étonne pas en voyant Zèbres et Rouches mélangés dans les tribunes.
L’ambiance est bonne enfant. L’esprit de fête règne encore et les supporters noir et blanc autour de nous sont heureux et fiers de recevoir le Standard. Que tout cela était beau... quand on voit aujourd’hui la mobilisation de policiers qu’impose un tel match.
Les tribunes du Mambourg sont vieillotes. En haut de celles-ci, des... buissons qui confèrent à l’endroit un charme particulier.
Les 2 kops rivalisent sur l’échelle des décibels. Les écharpes tournoient, les petits morceaux de journaux découpés s’envolent à l’entrée des équipes sur le terrain.
Le match commence. Le Standard domine, mais ne marque pas. Et comme toujours dans ces cas-là, c’est le Sporting qui ouvre le score. “Rassurez-vous, ça ne devrait pas durer...” essaye de nous rassurer un supporter de Charleroi. Mais sous l’impulsion d’un Peter Mraz au four et au moulin, le Sporting va doubler la marque. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, les buts carolos ont été inscrits par Philippe Migeot et Didier Beugnies. En deuxième mi-temps, Dardenne réduit la marque pour les Rouches. Mais c’est trop tard, le Sporting vient d’entamer un redressement qui le verra se maintenir en première division quelques mois plus tard.
Pour ma première de supporter au stade, c’est raté. Pourtant, je quitte ce stade la tête pleine d’émotions. L’ambiance, la tension, les râleries, les quelques jurons, l’espoir, la déception... Pas de doute, j’ai vibré.
Je serai toujours reconnaissant à mon oncle Gustave de m’avoir offert ce premier match. Et de m’avoir transmis le virus du football au stade.
Avec mon ami Manu, nous retournerons parfois au Mambourg pour encourager les Zèbres dans leur course au maintien. Supporter du Standard, j’estime néanmoins qu’il est important qu’il y ait un club wallon de plus en première division. Et le club de ma région d’origine.
Cela ne m’empêchera pas de boire du petit lait lorsque, lors du match retour, le Standard des Claesen, Czernia, Snelders... infligera un 8-0 à son petit cousin. Rancune du match aller ? Sans doute. Mais je serai heureux de voir les Zèbres rester parmi l’élite. Et pourtant...
Calife à la place du calife
Le retour du Sporting en première division est un événement dignement fêté dans la région de Charleroi. Et comme souvent dans ces cas-là, on voit apparaître de nouveaux supporters. Des amateurs qui s’intéressent subitement au football ou d’autres qui ... retournent leur casaque.
J’en ai connu beaucoup de ces supporters qui adoraient le grand Standard du début des années ’80 et qui se sont découverts un amour soudain pour le Sporting de Charleroi. Plus le Standard était en difficultés, plus leur amour pour les Zèbres grandissait.
Autant que je le dise tout de suite, sans tourner autour du pot : j’exècre cette mentalité! Et je ne me privais pas de l’affirmer ou de le faire comprendre.
La deuxième moitié des années 80 n’est pas à proprement parler une période de vaches grasses pour le Standard. Loin de là. Je l’évoquerai dans un autre chapitre de ce texte. Notez que pour le Sporting de Charleroi non plus, déjà heureux de vivoter en première division après avoir risqué de prendre l’ascenseur.
Pourtant, la presse carolorégienne ne parle plus que du Sporting. La Nouvelle Gazette, avec à la tête de sa rédaction sportive un certain Lucien Gallinella, y fait la pluie et le beau temps et remplit ses colonnes tant qu’elle peut avec la vie du Sporting de Charleroi.
Je me souviens m’être presque écroulé de rire en voyant la première page de ce quotidien par un beau matin : Didier Beugnies va à la pêche. Avec une grande photo de la star locale, la canne à la main et le sac du taquineur de goujouns à l’épaule. C’est donc ça qui fait tourner le monde à Charleroi...”, ai-je pensé mi-surpris, mi-ironique.
Journalisme de proximité qui fait vendre du papier et matraquage médiatique. Difficile d’y échapper et le nombre de nouveaux supporters des Zèbres gonfle chaque jour. L’ambition et les cous aussi...
Jean-Pol Spaute est alors le président du Sporting. Il déclare à La Nouvelle Gazette, dès la deuxième saison de Charleroi parmi l’élite : “Je ne demande pas l’Europe, mais je veux le titre dans les cinq ans”. Ah, bon...
Le Sporting est présenté partout comme une valeur montante pendant que le Standard stagne, voire régresse. Dans le petit journal du Sporting, lors de la saison 86-87, je lis : “...le Standard usurpe actuellement notre place de premier club wallon.” Woaw, l’étonnement le dispute à l’incrédulité, les voilà déjà calife à la place du calife...
A l’école, c’est pareil. Au gré des résultats du Standard et de la situation des deux clubs au classement, mes lundis matins sont tantôt joyeux, tantôt pénibles.
Au début, je trouve ça drôle. Aujourd’hui, à la lumière du parcours des Rouches ces 15 dernières années, cela peut paraître prétentieux, mais seules les discussions avec les supporters mauves m’intéressent vraiment à l’époque. Question de niveau...
Mais les supporters de Charleroi que je fréquente n’en ont jamais assez. Tout est bon pour nous em... Manu et moi. Les deux vestiges rouches perdus dans une génération montante teintée de noir et blanc. Heureusement que nous avons de la répartie car il nous arrive parfois d’avoir envie d’en venir aux mains... Moqueries et railleries deviennent franchement lassantes et finissent par nous faire détester le Sporting de Charleroi. Paradoxal, non ? Quelques mois plus tôt, nous leur apportions notre soutien de supporters wallons et nous voilà en train de leur souhaiter un beau collier de défaites.
Inutile de dire notre bonheur lorsque nous assisterons à de mémorables déculottées infligées par nos favoris à Charleroi sur son propre terrain. Je pense notamment à deux victoires par 0-4 à la fin des années ’80.
L’une d’entre elles m’avait particulièrement fait plaisir. Quelques semaines plus tôt, l’équipe des... juniors du Standard était venue jouer un match amical contre l’équipe A de Charleroi. Score final ? 1-3 pour les gamins liégeois. En sortant du stade, Manu et moi rions un bon coup de ce tour pendable joué par les jeunes à la “grande équipe du Sporting”. Nous nous demandons quelles excuses vont trouver les Zèbres de notre entourage pour expliquer cette petite claque. C’est à ce moment-là que nous nous faisons apostropher par un supporter des Zèbres en colère. Habitués à ce genre de “gâteries”, nous lui répondons sur le même ton et l’histoire manque de dégénérer en bagarre. Il nous quitte en nous promettant une défaite en championnat. Mouais... 0-4. Je ne l’ai jamais revu. Dommage...
Depuis lors, les relations entre les deux clubs et, surtout, entre les supporters des deux camps se sont fortement détériorées. Les drapeaux anti-Standard ont souvi fleuri au Mambour, reconstruit complètement depuis lors.
Le point culminant de cette animosité fut sans conteste l’attaque par le Hell-Side du Ballon Rond, le local des hooligans locaux, en 1993. C’est un des rares Charleroi-Standard que j’ai manqués pour cause de... varicelle. Ce match-là, je l’ai vécu l’oreille collée à la radio, comme au bon vieux temps. Pourtant, j’ai rarement été aussi rouge que ce jour-là, le corps badigeonné d’une sorte de mercurochrome... Ce but rapide de Zetterberg et l’égalisation de Thierry Pister dans les arrêts de jeu. Mes sauts et mes cris de joie ont bien dû importuner les voisins de notre appartement de l’époque !
Aujourd ‘hui, les matches entre le Standard et le Sporting de Charleroi constituent toujours, pour moi, des rencontres passionnelles. Ces matches-là, je ne veux pas qu’on les perde.
Ils sont si riches en rebondissements, anecdotes ou drames comme celui qui brisa la jambe et la carrière de Momo Lashaf au Mambourg. Les provocations mutuelles de Bodart et Brogno, les retours agités de Genaux à Charleroi, ces décisions arbitrales si souvent contestées des deux côtés, cette fameuse finale de la Coupe au Parc Astrid sur laquelle je m’étendrai plus longuement.
Voici trois ans, lorsque le Sporting fut à deux doigts de la deuxième division, je me suis surpris à espérer de les voir descendre d’un étage. Le temps passe, mais j’ai encore la rancune tenace.
Mais je me dis que ce ne serait pas une bonne chose pour le football wallon. La raison l’emporte alors sur le coeur.
Alex, Nico, Nanard et les autres
L’affaire Standard-Waterschei a donc bien failli envoyer le club par le fond. L’honnêteté force pourtant à reconnaître que le club a échappé de peu à la rélégation en deuxième division. Tout comme pour Anderlecht dans l’affaire Nottingham, la prescription des faits a atténué les possibles conséquences et sanctions qu’aurait pu entraîner cette triste histoire.
Roger Petit doit donc quitter son club par la petite porte. Ce n’est qu’à la lecture d’un livre qui lui a été consacré que j’ai vraiment compris l’importance qu’a prise cet homme dans l’histoire et le développement du club. Malgré sa terrible gaffe, je pense que tous les supporters peuvent lui être reconnaissants d’avoir amené le Standard au plus haut niveau du football belge et d’avoir offert aux supporters des soirées européennes inoubliables.
Petit s’en va et se pose alors la question de sa succession. Mes souvenirs personnels de cette période restent vagues. Il m’est impossible de dire aujourd’hui ce qu’ont évoqué pour moi les noms de Jean Wauters et d’André Duchêne lorsqu’ils ont décidé d’investir au Standard.
A l’époque, l’intérêt médiatique se portait sur Anderlecht et le FC Malines de John Codier.
La presse ne cessait de vanter les beautés du nouveau stade d’Anderlecht et de ses loges qui, à terme, lui apporteraient d’importants revenus complémentaires.
Je me souviens toutefois m’être réjoui de voir André Duchêne s’engager dans la même voie avec la reconstruction de la tribune 1.
Les premiers événements de l’ère Duchêne-Wauters qui m’enthousiasment le plus sont les transferts d’Alex Cziernatinsky et de Nico Claesen. Plébiscité par les supporters lors d’un sondage organisé par le quotidien La Meuse, le premier arrive à Sclessin en provenance d’Anderlecht pour une somme de 25 millions de francs belges, somme plutôt rondelette pour l’époque. Le second rentre au pays après un passage au VfB Stuttgart. J’imagine déjà les ravages que fera cette attaque de feu, soutenue par un Guy Vandersmissen soucieux de prendre une flamboyante revanche après sa suspension.
Et cela ne fonctionne en effet pas trop mal. Dès la saison 85-86, le Standard se qualifie pour la Coupe de l’UEFA. Saison au cours de laquelle les Rouches infligent un mémorable 8-0 au Sporting de Charleroi (voir ci-dessus). Au premier tour de la Coupe d’Europe, ils éliminent les Yougoslaves de Rijeka (0-1 puis 1-1 à Sclessin). Ils jouent ensuite en Autriche, au FC Tirol, où ils s’inclinent 2-1 en ayant raté un nombre incalculable d’occasions. Hellers a néanmoins marqué un but que l’on imagine capital et décisif. Pourtant, le match retour ne se déroulera pas comme prévu. L’attraction de match est dans les tribunes. Elle s’appelle… Bernard Tapie, golden boy français à qui tout réussit et à qui l’on prête l’intention d’investir au Standard. Je n’assiste malheureusement pas à ce match retour. Et c’est de nouveau la radio qui me permet de suivre les événements qui… tournent rapidement assez mal puisque les Autrichiens se détachent à 0-2 ! Mais la furia liégeoise – il y a quinze ans, cela signifiait encore quelque chose… - n’abdique pas. Repcic et Wintacq. A 2-2, mon cœur frémit lorsque la chanson diffusée dans le programme « En sport et en musique » s’interrompt brusquement et que le présentateur crie « On file tout de suite à Sclessin ! ». Là, le reporter –dont j’ai oublié le nom- s’exclame : « Et écoutez ce public ! ! ! ! » Sclessin éructe, tremble : Freddy Luyckx vient de faire 3-2 et il reste une vingtaine de minutes. Les vagues rouges vont déferler vers le but du Fc Tirol. Czernia manque plusieurs fois le but libérateur et lorsqu’il l’inscrit enfin, l’arbitre annule le goal. L’auteur du centre, Srebrenko Repcic aurait repris le ballon juste derrière la ligne de fond au moment de sa passe décisive. 3-2, score final. Je suis partagé entre la tristesse de l’élimination et la fierté d’avoir vu mon équipe ne jamais baisser les bras. Le lendemain, nous en discutons entre copains avec le prfesseur de gym. Son verdict est implacable : Quand on rate autant d’occasions, il est impossible de se qualifier. » Nous ne pouvons que lui donner raison.
Je ne le sais bien sûr pas, mais la Coupe d’Europe a quitté Sclessin pour de nombreuses années.
Mais revenons à Bernard Tapie. Il vient de reprendre en mains les destinées de l’Olympique de Marseille et de grands noms du football débarquent sur la Canebière. Serait-il possible qu’il aide le Standard à franchir un pas supplémentaire ? Parmi les supporters, les rumeurs les plus folles, alimentées par la presse populaire, circulent. On parle de Lothar Matthaüs, du buteur brésilien Careca qui vient de s’illustrer à la Coupe du monde au Mexique. Supporters et naïveté ne riment pas, mais l’un n’est jamais loin de l’autre… Il paraît que Jean Wauters et André Duchêne sont attendus à Marseille en janvier de l’année suivante pour discuter de l’aide que peut apporter Tapie au Standard. Nos dirigeants s’y rendront et seront à peine reçus par ce margoulin de Nanard. Celui-ci était venu faire sa propre publicité à Sclessin, et rien d’autre… Je le vois encore, sourire carnassier, écharpe rouge et blanc autour du coup, lever le pouce en l’air et applaudir en direction des caméras de la RTBF lorsque Luyckx fit 3-2 contre Tirol. Cette image diffusée au journal télévisé a fait fantasmer pas mal de monde…
Et le Standard va sombrer dans l’anonymat du classement, échouant régulièrement de peu dans la course à l’Europe.
Michel Preud’homme, de retour de suspension, part au FC Malines, avec le succès que l’on connaît aujourd’hui. Ce n’est pas de gaieté de cœur que je le vois signer au Kavé. Mais je me rends compte qu’il est trop bon pour rester sur le banc et que Bodart a gagné le duel qui l’oppose au Mich’. Claesen, lui aussi, quitte assez rapidement le club fin 1986. Il signe à Tottenham après avoir joué avec les Diables Rouges la glorieuse épopée mexicaine au cours de laquelle il a marqué trois buts. Pourtant, Alex méritait davantage que Nico une sélection pour le Mundial. Les Carolos éprouvaient aussi ce sentiment pour Didier Beugnies. Je n’ai jamais vraiment compris les raisons qui ont poussé Guy Thijs à se passer de Czernia. La formidable quatrième place décrochée par la Belgique au pays des Aztèques lui a évidemment donné raison. Car un entraîneur qui gagne a toujours raison. Ainsi va le football.
Le passage de Czernia au Standard me laisse aujourd’hui encore un goût de trop peu. Malgré certains passages à vide et diverses blessures, Alex a marqué nombre de buts importants pour le club. Celui qui m’a procuré le plus de plaisir fut celui qu’il inscrivit en demi-finale de la Coupe de Belgique au FC Liège. Les voisins de Rocourt l’avaient emporté 0-1 au match aller. Les hommes de… Robert Waseige alignaient une très belle équipe avec les Stojic, Quaranta, Houben, de Sart, Ernes, Varga et Malbasa. Malgré cette défaite, les Rouches y croient encore. Nous l’emportons en effet 1-2 sur les hauteurs de Rocourt avec un goal dans le plus pur style de Czernia. Contrôle du ballon à l’entrée du rectangle, il se retourne et envoie la sphère de l’extérieur du pied dans la lucarne. Quelle folie ! Alex danse avec nous sur le vieux Vélodrome ! Direction le Heysel contre le vieux rival, Anderlecht.
J’aborderai ultérieurement les deux finales de Coupe de Belgique perdues contre Anderlecht.
Durant cette deuxième moitié des années 80, le Standard croit avoir mis la main sur un secrétaire général de grande envergure. Duchêne et Wauters confient la destinée sportive du club à un ancien joueur de la maison, Roger Henrotay.
Lorsque la nouvelle est rendue publique, je me dis que cet homme connaît le club et le football belge comme sa poche. Comme nos deux dirigeants-sauveurs, je pense qu’Henrotay est l’homme de la situation. Quelle erreur…
Les maladresses et les certitudes de cet homme vont coûter cher au club. La moindre de ses bêtises n’est pas celle de dire à Alex Czeniatinsky qu’il doit quitter le Standard parce que, accrochez-vous, la concurrence va devenir trop forte pour lui ! C’est ainsi que débarquent au Standard le Soulier d’Or tunisien Djamel Limam, l’israélien Shalom Tikva et le mexicain Carlos Hermissillo tandis qu’Alex met le cap sur l’Antwerp. Limam et Hermossillo seront des échecs, Tikva, un demi-échec, alors qu’Alex fera feu de tous bois à Deurne. Il y retrouvera sa place en équipe nationale et amènera le Great Old en finle de Coupe d’Europe contre Parme à Wembley. Pas mal pour un vieux qu’Henrotay a jeté du Standard…
Le Gil’
Petit flash-back et retour aux années Goethals. J’ai alors 11 ou 12 ans et mon cousin me dit un beau jour qu’il a entendu Raymundo déclarer que le gardien réserviste du Standard, Gilbert Bodart, est aussi bon si pas meilleur que Michel Preud’homme. »Pourquoi ne le fait-il pas jouer alors ? » me dis-je…
Cela ne tardera plus, par la faute de cette fichue Affaire. Quand Preud’homme et tant d’autres sombrent dans de nombreux mois de suspension, les réservistes du Standard reçoivent la possibilité de démontrer l’étendue de leur talent. Car c’est bien de talent qu’il s’agit quand on évoque Gilbert Bodart, le dernier de la cordée de grands gardiens de but liégeois à Sclessin.
Déjà lors de la finale de la Coupe de Belgique en 1984, il avait repoussé les assauts des joueurs gantois et l’échéance, permettant ainsi au Standard de disputer les prolongations. Sa légende est née pour moi à l’occasion de ce match. Les commentaires laudatifs du journaliste de la radio me décrivaient un gardien presque infranchissable à la mentalité de guerrier. Un digne fils spirituel des Nicolay et Piot. Un pur Rouche, coulé dans le moule maison. Les années qui suivront ne feront qu’accentuer ce sentiment et mon admiration pour le joueur.
Car s’il est un homme qui a gagné des dizaines de points pour ses couleurs, c’est bien le Gil’ !
Il ne lui a pas fallu longtemps pour s’imposer comme un titulaire indiscutable. A tel point que Michel Preud’homme, de retour de son purgatoire, ne retrouvera jamais sa place. Michel Pavic, alors entraîneur, instaurera un système d’alternance qui ne fera que des mécontents. Et Michel partira pour Malines, en route vers des succès que lui-même n’imagine pas aussi grandioses à ce moment-là.
Bodart, le regard décidé...
Gilbert Bodart reste donc à Sclessin. Une forte personnalité le Gil’. Sa grande gueule, son côté provocateur et showman font de lui un keeper spectaculaire qui n’hésite à se coucher et à rouler sur des ballons anodins. Il connaît la presse sportive. Il sait l’utiliser et elle le lui rend bien. Bref, un gars qui ne laisse pas indifférent, insensible et qui cultive le don d’enchanter ses fans et d’énerver ses détracteurs. Cela lui coûtera cher…
Les souvenirs du Gil’ se bousculent dans ma mémoire. Je n’aurais peut-être pas assez de ce site web pour tout raconter. Mais lançons-nous dans cette aventure aussi ardemment qu’il se jetait dans les pieds des attaquants adverses.
Il m’impressionnait surtout sur trois points : ses duels en un contre un, face à l’attaquant adverse, ses réflexes sur sa ligne de et les pénalties qu’il stoppait.
A propos des coups de réparation, il a souvent déclaré qu’il avait un « truc » mais qu’il ne le donnerait qu’à la fin de sa carrière. Je n’y ai jamais vraiment cru et d’ailleurs, nous attendons toujours ses explications… Je pense surtout qu’il avait un coup d’œil rapide, une détente de félin et une grande capacité à déstabiliser le tireur par un mot, un geste ou tout simplement un regard de tueur à gages.
Les pénalties… Ils me ramènent à un huitième de finale de la Coupe de Belgique en 1986 si mes souvenirs sont exacts. Un 0-0 a sanctionné le match aller au Parc Astrid. Pour le match retour, je prends le train un mercredi après-midi à Châtelet pour me rendre à Sclessin.
A hauteur de Flémalle, le contrôleur demande aux supporters mauves présents dans le train de descendre dans cette petite gare car un comité d’accueil les attend à Liège Guillemins. Ambiance… Et effectivement, la gare liégeoise est en état de siège et plusieurs centaines de Rouches attendent les Anderlechtois. Bigre…
Sclessin est plein à ras bord . Je prends place au-dessus du kop. Le match ne sera guère passionnant, les prolongations non plus. 0-0 et séance de tirs au but. Michel de Groote canonne dans les nuages et un autre Anderlechtois rate son duel avec Bodart. Il en reste un à tirer. Et le Gil’ veut apporter lui-même la touche finale. Il s’élance et rate le tir décisif… Anderlecht ne laissera pas passer sa chance, Jelikic ratant aussi son pénalty. Rage, désespoir, frustration. Dans la presse, Bodart avouera qu’il n’aurait pas dû shooter.
A l’Holiday in
Novembre 1989 . Je suis alors à l’ULB où je poursuis mes études de journalisme. J’ai l’occasion d’écrire un article de style magazine pour le 7e Soir, un supplément du quotidien Le Soir. Je pense à interroger Gilbert Bodart sur ses loisirs. Je lui écris donc pour faire part de mon projet, il accepte et pour m’éviter un fastidieux déplacement à Liège, il m’invite à l’Holiday In de Diegem où les Rouches sont en retraite avant un match de championnat à Anderlecht.
Woaw, l’apprenti-journaliste invité dans le prestigieux hôtel où les hommes de Georg Kessler se préparent au choc du lendemain.
Je me présente donc à l’Holiday In. Inutile de dire qu’un jeune en jeans et baskets ne cadre pas avec le luxe de l’endroit. Qu’importe, allons-y. Les charmantes réceptionnistes qui travaillent dans l’immense hall d’accueil de cet hôtel me voient arriver d’un air suspect. Par chance, je croise un joueur des Rouches, Patrick Asselman. Je lui explique la raison de ma venue et il m’accompagne au comptoir où la réceptionniste est bien obligée d’appeler la chambre du Gil’. Merci Patrick, sans toi j’aurais sans doute eu la sécurité de l’hôtel sur le paletot…
Gilbert m’accueille avec un grand sourire et m’emmène dans un salon-bar de l’hôtel. S’engage alors une discussion à bâtons rompus avec mon gardien favori. Le tennis, les destinations de vacances, la bande dessinée… nous évoquons tout cela. Je n’ai pas envie que ça se termine, mais les meilleures choses ont une fin.
J’ai découvert ce jour-là un homme chaleureux, accueillant et qui n’a pas hésité à consacrer une heure de son temps, la veille d’un match à Anderlecht, à un étudiant en journalisme. Chapeau. Certains petits merdeux qui sévissent aujourd’hui au Standard et qui refusent des autographes aux enfants feraient bien d’en prendre de la graine.
Pourtant, le Gil’ a un caractère entier et bouillant. En témoigne une de ses déclarations à la presse. En 1987, le Standard va s’imposer 1-2 à Anderlecht avec deux buts de Dimitri M’Buyu pour un du Suédois Hakan Lindman qu’on nous présentait alors comme un futur crack (mais qui, finalement, ira rejoindre le cimetière des éléphants du Parc Astrid). Mauvais perdant, Anderlecht dépose une réclamation pour une faute d’arbitrage. La plainte est déclarée recevable et les journalistes s’interrogent sur la date à laquelle le match sera rejoué. La direction du Standard envisage d’envoyer à Bruxelles l’équipe des juniors UEFA. C’est alors que le Gil’ lance une sorte de message d’avertissement : »Si on doit rejouer ce match, je vous conseille de faire venir tous les gendarmes du pays dans la capitale… En pleine période de montée du hooliganisme, deux ans après le drame du Heysel, cette petite phrase produit ses effets… Anderlecht retire finalement sa plainte et s’en tient au verdict du terrain. Grâce à la petite phrase de Bodart ? Personne ne le sait, mais elle avait impressionné beaucoup de monde à l’époque.
La franchise de Bodart n’a pas toujours été appréciée. Que ce soit par une partie de la presse, par les supporters adverses, par certains joueurs et équipiers ou encore par les entraîneurs. Sa carrière en dents de scie en équipe nationale en est la meilleure preuve. Mais il ne s’y est pourtant jamais véritablement imposé alors que son talent le lui permettait incontestablement. En octobre 1988, j’ai assisté au Heysel à un match Belgique-Suisse comptant pour les éliminatoires de la Coupe du Monde. Gilbert était titulaire il a maintenu, grâce à plusieurs arrêts déterminants, le petit écart forgé par les Diables (1-0). A la fin du match, tout le Heysel scandait son nom, rouches et mauves, Flamands et wallons.
Mais cela n’a pas duré. Walter Meeuws, notamment, l’a « dégommé » de la cage des Diables, suscitant la fureur du bon peuple de Sclessin.
Ensuite, il y eut Van Himst et l’après World Cup 94. Lorsque Preud’homme annonce sa retraite chez les Diables, on croit son heure arrivée. L’équipe nationale signe notamment un bon partage en Espagne (1-1) où le gardien des Rouches réaliseà nouveau des prouesses. »Avec Bodart, on peut aller à la guerre », déclare Paul Van Himst.
Gilbert est au sommet de son art et il est cité comme favori du Soulier d’Or 1995. Cruelle désillusion. Les Flamands préféreront le donner à l’Australien de Bruges, Paul Okon. Quel scandale, quelle « flamanderie » ce Gouden Schoen. S’il fallait encore une preuve que plus jamais un Wallon jouant en Wallonie ne gagnera ce trophée, la voilà. Et j’ouvre une parenthèse : je m’interroge sur les motivations qui poussent les journalistes sportifs francophones à encore participer à cette mascarade. Besoin de sentir importants ?
Après le nul des Diables en Espagne, le Belgique rencontre le Danemark à Bruxelles. Bodart ou De Wilde ? La presse du nord entame son lobbying pour le gardien d’Anderlecht, mais Van Himst maintient sa confiance au capitaine du Standard. Ni l’équipe nationale, ni le Gil’ n’ont droit à l’erreur et pourtant, Bodart se « troue » sur le premier but avant d’en encaisser un deuxième sur une balle déviée. La Belgique s’incline 1-3, la presse se déchaîne. »J’assume » déclare Gilbert.
Mais sa carrière internationale vient de s’achever sur une fausse note. S’ensuit une polémique avec Paul Van Himst au cours de laquelle Gilbert affirme avoir enregistré ses conversations téléphoniques avec le coach. A l’analyse, il n’en est rien. Les Diables et Bodart, c’est fini.
Son talent méritait incontestablement mieux que cette sortie par la petite porte. Mais il n’est pas facile d’être wallon en équipe nationale… Même Wilmots l’a appris à ses dépens.
Maigre consolation pour Gilbert : à Sclessin il reste un dieu. Il est chez lui. Du moins le croyait-on… lorsqu’il annonce son départ pour Bordeaux suite à une mésentente avec la direction en 1996, je n’en crois pas mes oreilles. Pas lui… Que va-t-il aller faire en Gironde, dans un club entraîné par un Roland Courbis à peine remis de blessures par balle dans un règlement compte maffieux ?
Jamais le départ d’un joueur du Standard ne m’a autant douloureusement surpris. »Alors, lui aussi succombe aux salaires de l’étranger. Pu… d’affaire Bosman. »
Peter Maes assure tant bien que mal la succession tandis que le « vieux Belge » réalise des prouesses en France. La France n’ayant pas encore gagné la Coupe du Monde, rarement Téléfoot m’aura paru aussi pénible qu’à cette époque-là.
Et pourtant, un an après… il revient. Pas pour longtemps car Ivic et la nouvelle direction le virent un an plus tard !
Ce départ de Bodart, associé à celui de Guy Hellers quelques mois plus tard, marque pour moi la fin du Standard que j’ai toujours connu. Ivic et sa bande ont dynamité mes statues.
Willy pour nous sauver ?
Marc Wilmots. Lorsque ce jeune wallon s’est révélé à Saint-Trond, je me suis dit qu’il était fait pour le Standard. Enthousiaste, puissant, travailleur, courageux et n’ayant pas froid aux yeux: voilà le profil des hommes qui forgé l’histoire de notre club.
Nous sommes à la fin des années 80. Wilmots forme à l’époque un duo percutant avec un nommé Sten Agten à la pointe de l’attaque de Saint-Trond qui vient de retrouver l’élite.
Je lis dans la presse que le Standard suit Marc Wilmots depuis pas mal de temps et envisage de le transférer. Inutile de dire que je piaffe d’impatience à le voir arriver.
Lors d’un Standard-FC. Malines, Marc Wilmots est à Sclessin pour une prise de contact. La presse nous apprendra plus tard qu’à la fin de la rencontre, il a croisé Michel Preud’homme... alors gardien du Kavé qui lui aurait dit : ”Tu vas signer au Standard ? A ta place, je réfléchirais bien, Malines s’intéresse à toi...”. Petite cause, grands effets : le taureau de Dongelberg signe en effet à Malines où, à son arrivée, Aad De Mos lui déclare : ”Tu ne sais rien faire d’autre que courir... Maintenant, on va t’apprendre à jouer au football”
J’en ai longtemps voulu à Preud’homme pour ce que je considérais comme une sorte de trahison. Sentiment un peu naïf quand on connaît les enjeux générés par le sport professionnel... Objectivement, pourquoi Preud’homme aurait-il dû se priver de faire du lobbying pour le club qui l’emploie ?
J’ai éprouvé le même sentiment lorsqu’un samedi soir, Malines est venu s’imposer à Sclessin 2-4 avec deux buts de Wilmots qui ne se priva pas de manifester sa joie. Je le vois encore, passant les bras en l’air devant la tribune 2, fou de joie après avoir crucifié Bodart.
Mais force est de reconnaître que Marc Wilmots a réellement progressé à Malines, sans doute davantage qu’il n’aurait pu le faire au Standard en ces temps agités de “reconstruction” (oeuvre qui est loin d’être achevée à l’heure actuelle, et c’est un euphémisme...). Et nous avons récupéré un Willy plus complet après son passage derrière les Casernes.
Ce transfert était inévitable. Le Standard et le Taureau de Dongelberg se voulaient mutuellement, et ils se trouvèrent enfin. Avec, si l’on en croit la presse de l’époque, une somme de 80 millions de FB dont une bonne partie serait allée directement dans la poche du joueur.
Marc Wilmots fut un des très bons transferts du Standard. Malgré quelques pépins physiques, il reste avec André Cruz le meilleur achat du club dans les années 90. Avec, notamment, ce deuxième tour canon en 92-93 qui a amené les Rouches à la victoire en Coupe de Belgique. Quel plaisir ultime que cette victoire contre Charleroi dans l’antre d’Anderlecht !
Mes souvenirs de Willy sous la vareuse du Standard sont nombreux. Comme ce magistral coup de tête pour battre De Wilde lors d’un Standard-Anderlecht (score final 1-1) et cette T3 ancienne mouture que je dévale emporté par une vague de joie. Ou ce but sublime en Coupe d’Europe contre Cardiff où, après la remise en jeu suite à un but encaissé, il dribble tous les Gallois pour s’en aller battre le gardien. Que dire, encore, de ce Standard-La Gantoise complètement fou (8-4) où il planta six buts ?
Et ses goals contre Charleroi au Mambourg, de même que cette phrase »On va gagner pour toi Momo ! », prononcée pour Mohammed Lashaf, étendu sur une civière après que ce boucher d’Atty Afo lui ait brisé la jambe en même temps que sa prometteuse carrière.
Un grand regret aussi : ce but de l’égalisation qu’il marque à Anderlecht en 1995 dans un match décisif pour le titre et annulé pour un hors-jeu imaginaire. Misère, si ce goal valable avait été validé, nous étions plus que probablement champions…
Bref, le Standard tenait un excellent joueur et personnellement, je l’imaginais bien devenir un symbole de notre club et rejoindre des indéracinables tels que Bodart et Hellers.
Malheureusement, certains « événements » en ont décidé autrement. D’abord, l’arrêt Bosman qui a offert l’Eldorado à tous les joueurs attirés par les sirènes étrangères. Ensuite, la guégerre Lesman-Waseige. Quel rapport avec Wilmots me direz-vous ? Willy a toujours soutenu Waseige. Mais Lesman, administrateur et argentier du club, n’a jamais pardonné à Robert Waseige la perte du titre en 95, lui reprochant de n’avoir prévu aucun marquage individuel sur Marc Degrijse lors du match décisif au Parc Astrid. Il est clair que les jours de l’entraîneur furent comptés dès le coup de sifflet de cette rencontre. Il ne tomba qu’un an plus tard, mais ce climat a aussi joué dans la décision de Wilmots de signer pour Schalke 04, menaçant au passage le Standard d’un procès s’il s’opposait au transfert… Les plus belles histoires d’amour finissent parfois par un véritable déchirement.
Devions-nous, nous supporters, en vouloir à Willy ? Le cœur répond oui, la raison, non. Wilmots avait parfaitement le droit de tenter sa chance à l’étranger, dans un championnat plus huppé et taillé sur mesure pour son style de jeu. Le succès de Schalke en Coupe de l’UEFA en atteste. Willy s’est forgé un palmarès, une réputation et a prouvé qu’un petit Belge pouvait réussir à l’étranger. J’apprécie l’image d’un Belge qui n’a pas froid aux yeux et qui clame que nous ne devons avoir peur de personne. Notre peuple manque un peu de fierté et d’arrogance. Et en sport, il en faut pour réussir. Marc Wilmots en est la preuve vivante.
La question que nous nous posions était de savoir si Willy allait revenir un jour à Sclessin. Secrètement, j’espérais qu’après son passage à Schalke, il rentre au bercail, chez lui, chez nous. Mais il n’en fut rien… Il a signé pour Bordeaux.
Première claque pour nous tous et confirmation de ce que je supposais : chez Willy, l’argent l’emporte sur les sentiments. En ce qui me concerne, j’ai fait mon deuil de son retour dès ce jour-là. Pour moi, ce n’était plus la peine de revenir. Même pas un an plus tard, lorsqu’après avoir traîné son ennui sur le flanc droit des Girondins, on l’annoncera de nouveau à Sclessin, avant qu’il ne retourne à Schalke…
En décembre 2002, après une splendide Coupe du monde avec les Diables, rebelote. On nous annonce à nouveau Willy pour le 2e tour. Sur rscl.be, j’écris que Sclessin devient le cimetière des éléphants, expression qui sera aussi évoquée dans la presse qui lit beaucoup les forums de supporters. Pas gentil, mais c’est ce que je pense…
Si Wilmots voulait revenir au Standard, c’était avant.
Ne pas avoir été d'accord sur son retour ne signifie pas que je n’ai pas de respect pour lui.
J'ai admiré sa carrière, sa force mentale, son inébranlable volonté de revenir au sommet après tant de pépins physiques, son apport incommensurable au football belge et aux Diables Rouges. Ces buts fabuleux et importants qu'il a marqués pour les Diables. Notamment celui de la victoire 1-2 au Stade de France avant la Coupe du monde 2002. Quel bonheur!
Je trouve qu'il méritait cent fois plutôt qu'un autre le Trophée du Mérite sportif 2002.
Je le remercie également pour son apport à notre club lorsqu'il y a joué et lui souhaite bonne chance en politique.
Mais il ne rejoindra pas Bodart, Hellers et Vandersmissen à mon Panthéon personnel du Standard.
La Coupe aux lèvres
1993. Année du dernier trophée remporté par le Standard. Bientôt dix ans, presque une éternité.
Premier tour sans problème face à Mol, atomisé 7-1 rue de la Centrale comme l’avait joliment écrit La Dernière Heure. Puis au tour de Lommel, sur ce terrain exigü où le Standard a tant de fois mordu la poussière. Malédiction ? Pas en Coupe puisqu’on s’y impose 0-1 grâce à un but de Marc Wilmots qui allait disputer un 2e tour de tous les diables. Rebelote en quarts de finale au Germinal Ekeren avant d’affronter Waregem en demi-finales. Très belle équipe que Waregem qui a écrasé Anderlecht à domicile quelques semaines plus tôt sur le score de 1-4.
J’effectue le déplacement au stade Arc-en-ciel, situé à proximité d’un magnifique étang dans une plaine de Flandre occidentale balayée par le vent. Un match nul (1-1) avec le but de Wilmots nous laisse entrevoir la qualification pour la finale.
Mais nous sommes fin mai et je termine ma licence en journalisme et communication. Mes moyens financiers d’étudiant et le blocus, et surtout un cours de droit international de plus de 800 pages, ma rappellent à l’ordre. L’envie d’en finir en première session avec mes études aussi. Je n’assiste donc pas au match retour à Sclessin. La radio, la seule amie qui partage avec moi la passion du foot, me tiendra au courant de l’évolution du match. A vrai dire, pendant la rencontre, mon esprit rôde du côté de Sclessin... Au diable les résolutions de l’ONU, la délimitation des eaux territoriales et de l’espace aérien des pays qui constituent mon lot quotidien depuis plusieurs jours. Et puis, ces syllabi sont... rouges. Ils m’attendront bien 90 ou 120 minutes.
Un match à la radio est plus stressant qu’au stade. Lorsque Waregem égalise, je me mets à craindre le pire et j’envisage déjà les prolongations. A peine le temps de douter que Henk Vos nous envoie en finale !
Henk Vos, quel joueur fantasque. Le look du play-boy, la finesse technique d’un esthète néerlandais, la vitesse d’un guépard et des... comportements de voyou. Tel que ce doigt d’honneur adressé au kop brugeois après un but de Bettagno à l’Olympiapark ou encore ce coup de coude qui cassa trois dents de Marc Wuyts lors d’un Standard-Charleroi. La force et son côté obscur.
Standard-Charleroi... Nous y voici donc à cette fameuse finale. Les Zèbres de Waseige viennent de réussir l’exploit de battre trois fois Anderlecht en 10 jours ! Et la finale se jouera au Parc Astrid ! Un rapide coup d’oeil sur le calendrier. Et zut, j’ai un examen oral de sociologie des médias à présenter le lendemain matin à 8h30.
Le choix est cornélien. Y vais-je ou pas ? Le coeur ou la raison ? Après quelques jours d’ hésitations, je décide de rester étudier et de me contenter de la retransmission télévisée, au risque de voir le living de notre appartement transformé en tribune.
Et me voilà le jour J devant le petit écran. Je souris de voir l’habituelle tribune du O-Side d’Anderlecht envahie par les rouge et blanc. La première bonne nouvelle, c’est que le gardien titulaire du Sporting, Gulyas, ne joue pas et est remplacé par David Baetslé. David et Gulyas... Ce raccourci phonétique m’amuse. Je n’avais jamais considéré le 2e keeper du Sporting comme un dernier rempart fiable. Le déroulement du match me donnera raison.
Charleroi domine légèrement la première mi-temps mais se heurte à un Bodart des grands jours. La malchance n’épargne guère les Zèbres non plus avec ces blessures de Suray et Janevski.
Le déroulement de ce match laissera toujours un goût amer aux supporters de Charleroi. Léonard a-t-il volontairement blessé Suray par ce tackle bien appuyé ? J’ai peine à le croire. Quant à Janevski, il faut être d’une malhonnêteté intellectuelle crasse pour ne pas reconnaître qu’il s’est démis le coude seul, en retombant mal après avoir convoité un ballon de la tête. Y avait-il pénalty de Dinga sur Brogno ? Après avoir revu la phase à de nombreuses reprises, je ne parviens toujours pas à me forger une opinion définitive. Une chose est sûre : si Brogno n’avait pas entretenu régulièrement sa réputation de comédien et de provocateur, peut-être qu’Alphonse Costantin aurait accordé le bénéfice du doute à l’attaquant.
Costantin... J’ai lu sur le forum des Zèbres qu’Alphonse aurait sifflé pour le Standard contre un promesse d’engagement comme directeur général du club. Ben voyons... Huit ans après le match. Que les anti-Standard qui parsèment le Stade du Pays de Charleroi trouvent autre chose pour justifier cette défaite. La malchance et la faiblesse de leur gardien d’accord, la tricherie ou la corruption, non.
A la mi-temps de cette finale, et tandis que les pompiers arrosent les tribunes écrasées par la chaleur, je ne suis guère rassuré. J’ai le sentiment que le premier qui marquera l’emportera. Et, grâce soit rendue aux dieux du ballon rond, ce fut le Standard par l’entremise de ce tir superbe du “pointu”d’Henk Vos, suivi quelques minutes plus tard du 2e but de Philippe Léonard ! Quelles explosions de joie au Parc Astrid... et dans mon living. Nathy, un petit sourire aux lèvres et le regard mi-amusé, mi-interrogateur, semble se demander avec quel énergumène elle vit... Ma future épouse, ne comprendra jamais la passion que véhicule le foot. Supporter, on l’est dans son coeur et dans ses tripes!
Le Standard gère la fin de match et Bodart lève la Coupe de Belgique, rejoint par Guy Hellers. Les deux symboles de la fidélité au club unis dans un triomphe. Vaincre Charleroi au Parc Astrid, quel bonheur pour un Carolo d’origine qui supporte le Standard...
L’émotion à peine retombée, je replonge dans mes syllabi. Misère, passer d’une tribu rouche en liesse à la sociologie des médias, cela vous refroidit un homme et un supporter.
J’ai finalement réussi cet examen. Mais il me laissera toujours un mauvais souvenir du fait de l’événement qu’il m’a fait manquer. Notez que si j’avais été dans les tribunes ce jour-là, peut-être le Standard aurait-il perdu. Depuis la fin des années 80, le Standard a disputé cinq finales. Il en a gagné une, la seule à laquelle je n’ai pas assisté...
Le classement européen des clubs de football
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